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Passer sous Linux

Qu'est ce qu'une distribution Linux et laquelle choisir ?

Admettons que vous en avez plein le cul de Windows, vous voulez installer Linux sur votre ordinateur parce qu'on vous a dit que c'était sympa. Le problème c'est que quand vous allez taper "installer linux" sur votre moteur de recherche, vous allez arriver sur 1500 articles qui disent à peu de choses près tous la même chose.

J'ai décidé d'écrire le 1501ème article parce que tous les autres disent de la merde.

On y comprends rien à votre truc moi je veux juste le pingouin

Nous sommes au début des années 90, et l'époque où l'on lit des articles de merde générés par IA est encore loin. Les personnes intéressées peuvent se faire envoyer de petits CD contenant une version modifiée, configurée et distribuée de Linux, ainsi que d'autres logiciels. Ces équipes cherchent à rendre Linux accessible et utilisable par le plus grand nombre. Chaque équipe a des opinions différentes sur la manière dont ils doivent être préparés. On appelle ces disques des distributions.

Installer Linux, c'est installer une distribution. Il y en a beaucoup et il est difficile de choisir, d'autant plus qu'en général, tout le monde prêche un peu sa paroisse. Figurez-vous que c'est exactement ce que je vais faire, mais je vais quand même essayer de vous donner quelques outils pour vous faire votre propre opinion. Je vais vous présenter quelques facteurs à prendre en compte pour faire votre choix.

Un premier facteur important, c'est la gouvernance. Certaines distributions sont gérées par des entreprises et d'autres par des groupes de volontaires. Contrairement à ce qu'on pourrait croire à première vue, les entreprises jouent un rôle majeur dans l'écosystème Linux. Même si les connards habituels qu'on connaît bien injectent énormément d'argent dans le logiciel libre, ce sont des entreprises moins connues, comme Canonical ou Red Hat, qui sont derrière les plus grosses distributions Linux corporate.

Ensuite, il y a le modèle de déploiement, c'est-à-dire la manière dont les mises à jour sont envoyées. Deux modèles sont particulièrement répandus : d'une part, les distributions stables, dont les mises à jour sont planifiées à l'avance selon un rythme donné. En principe, cela permet de tester rigoureusement les nouveautés et de fournir aux utilisateurs une expérience solide. À l'inverse, il y a les distributions à roulement dit 'rolling release', où la dernière version du système et de tous les logiciels fournis avec est mise à jour le plus rapidement possible. Si cela peut parfois causer des problèmes, cela permet d'avoir toujours accès aux nouveautés dès leur disponibilité.

Enfin, il y a la qualité de la documentation. Quand je parle de documentation, je parle des tutoriels, des informations disponibles en ligne, ou même simplement de vos chances de tomber sur quelqu'un capable de vous aider à résoudre les problèmes que vous pourriez rencontrer.

Les pièges à débutants

Maintenant que vous savez comment comparer les distributions entre elles, je vais pouvoir revenir sur quelques distributions qui sont souvent recommandées et pourquoi je pense que vous devez absolument les éviter.

Un nom à coté duquel on peut pas passer quand on parle de Linux, c'est Ubuntu. C'est une vieille distribution corporate stable qui a été l'une des premières à s'adresser au grand public, avec de nouvelles versions tous les deux ans environ. Le problème principal avec Ubuntu, c'est Canonical, l'entreprise derrière le projet. Canonical a en effet une longue histoire de décisions douteuses, comme le fait d'imposer à ses utilisateurs des technologies pourries ou d'inclure des publicités pour de petits créateurs indépendants comme Amazon dans son système d'exploitation. Ubuntu a été pendant de nombreuses années la distribution comptant le plus d'utilisateurs et a donc été beaucoup recommandée aux nouveaux utilisateurs pour cette raison. Cela étant dit, c'est beaucoup moins vrai aujourd'hui.

Il est très difficile d'obtenir des chiffres sur la popularité et la communauté d'une distribution donnée. Ceci dit, si Ubuntu est encore aujourd'hui l'une des distributions les plus utilisées, sa base d'utilisateurs est également très peu active sur les réseaux et produit assez peu de documentation. Le wiki Ubuntu contient beaucoup d'informations erronées et semble moins entretenu que certaines alternatives dont je parlerai dans la prochaine section.

Je déconseillerais Ubuntu aux débutants pour plusieurs raisons. D'une part, Canonical n'est pas une entreprise dans laquelle on peut avoir confiance. La société a régulièrement fait passer ses intérêts financiers avant ceux de ses utilisateurs, ce qui est évidemment attendu d'une organisation à but lucratif. De plus, ils prennent des décisions techniques qui vont souvent à l'encontre de ce que fait le reste de l'écosystème. Mais surtout, le cycle de sortie d'Ubuntu est l'un des plus longs, si bien que lorsque vous utilisez Ubuntu, vous êtes souvent en retard de plusieurs mois, voire d'un ou deux ans, sur l'écosystème Linux. Ça n'a pas l'air d'être un si gros problème dit comme ça, mais Linux a énormément évolué au cours de ces dernières années. Il est facile d'avoir une mauvaise impression de Linux quand on commence par une distribution qui a tendance à sentir très vite le renfermé.

Un autre nom qui revient souvent, surtout en ce moment pour des raisons qui me dépassent complètement, c'est Linux Mint. Mint est une distribution de volontaires et stable, dérivée d'Ubuntu, et qui partage donc la plupart des défauts de cette dernière. C'est une distribution qui s'est construite sur l'idée de créer un système Linux similaire à Windows (7 !) en termes d'expérience utilisateur, mais selon moi, ils ont surtout réussi à recréer l'expérience d'utiliser une contrefaçon moche de Windows. Je pense que c'est une perte de temps d'installer Mint, d'autant que je ne trouve pas qu'elle apporte grand-chose par rapport à Ubuntu, si ce n'est son propre environnement de bureau, qui est moins ergonomique et abouti.

Je pourrais aussi parler de Manjaro, une distribution de volontaires à roulement dérivée de Arch Linux, dont je parlerai dans un instant. Sortie d'à peu près nulle part, Manjaro s'est imposée comme l'une des distributions majeures de l'écosystème pendant quelque temps, avant de rapidement retomber dans l'oubli après plusieurs catastrophes relatives à la sécurité. Le problème d'utiliser une distribution gérée par quelques bénévoles inconnus, c'est que l'on ne sait pas s'il est possible de leur faire confiance. Manjaro est devenu populaire en étant une version plus accessible et accueillante d'Arch Linux, mais ce créneau est aujourd'hui occupé par de très nombreuses distributions plus ou moins fiables, d'autant que Arch lui-même est beaucoup plus facile d'accès depuis quelques années. Cette niche n'a donc plus de raison d'être. De manière général, je pense qu'il est mieux de préférer l'original à la copie.

Enfin, j'aimerai faire un tir groupé sur plusieurs distributions dont les noms reviennent de façon inexplicable dans les articles : MX Linux, ZorinOS ou que sais-je encore. C'est simple, personne n'utilise ces distributions, à part ceux qui ont été attirés là par hasard. Ces distributions vont parfois se vendre sur le fait d'être la plus "légère" ou la plus "débutant-friendly", mais dans les faits, elles n'apportent rien de significatif par rapport à d'autres distros plus établies, mieux documentées et administrées par des gens qui méritent davantage votre confiance.

Une distribution pour les gouverner toutes ?

La plupart des distros sont en réalité des modifications d'autres distributions, si bien que si l'on remonte le fil suffisamment, on finit presque toujours par arriver aux trois distributions majeures, celles qui méritent globalement votre attention.

Si l'on devait choisir une distribution à faire installer à tout le monde, ça serait sans doute Debian. Il s'agit d'une distribution stable administrée collectivement qui joue un rôle majeur dans l'écosystème Linux. Si elle partage de nombreux défauts avec Ubuntu, comme les cycles de développement assez longs ou la documentation pas toujours au top, Debian compense ces défauts en étant une plateforme communautaire fidèle aux principes du logiciel libre et réputée pour sa fiabilité. Ce n'est certes pas le système le plus moderne, mais on prend très peu de risques en l'installant et on peut facilement le confier à des gens qui ne s'y connaissent pas trop en informatique. C'est la distro que j'aurai tendance à conseiller aux gens qui se foutent d'avoir les dernières nouveautés et qui n'ont pas envie de s'emmerder.

Pour retenir une seule distribution du monde du Linux corporate, j'ai envie de parler de Fedora, qui a probablement l'un des pires noms imaginables. Mais restez avec moi. Même si l'on a affaire à une distribution stable, de nouvelles versions sortent tous les six mois et Fedora est réputée pour être à l'avant-garde des nouveautés Linux. L'entreprise derrière Fedora, Red Hat, est un acteur majeur de Linux et on peut prudemment la remercier pour beaucoup d'initiatives qui ont contribué à rendre le bureau Linux plus moderne. J'aurais davantage d'enthousiasme à recommander Fedora si Red Hat n'était pas régulièrement impliquée dans des scandales politico-financiers, comme on peut s'y attendre de la part d'une entreprise. Ceci étant dit, si vous voulez confier votre ordinateur à une entreprise, c'est probablement la moins pire et vous bénéficierez d'une expérience Linux propre et moderne.

Maintenant que j'ai fait le tour des autres options, il est temps de prêcher un peu ma paroisse. J'ai déjà un peu parlé d'Arch Linux, une distribution communautaire à roulement qui a acquis une certaine aura légendaire au cours de la dernière décennie, bien qu'elle soit tout sauf jeune. Arch a la particularité d'être une distribution minimale avec une éthique "do-it-yourself", fournie avec une documentation d'excellente qualité sous la forme du Arch Wiki. Cela lui a donné une réputation d'inaccessibilité, celle d'une distribution réservée aux geeks les plus puants, mais je ne pense pas que ce soit justifié. Pour peu qu'on n'y soit pas allergique, il est aujourd'hui très facile d'installer Arch. On apprend en l'utilisant énormément de choses sur Linux et son écosystème. En quelque sorte, c'est un peu comme monter son propre PC : frustrant, mais plutôt ludique et pas si difficile.

L'avantage d'Arch, c'est qu'on profite réellement de la liberté promise par Linux et les logiciels libres. Il est possible de construire le système que l'on veut, selon ses préférences, ce qui permet de s'approprier sa machine. Le modèle de distribution fait que l'on a toujours accès aux dernières versions de l'ensemble de nos logiciels, ce qui permet d'observer en direct ou presque le travail des contributeurs qui construisent cet écosystème. Pour moi, si on aime l'informatique et être au plus près de l'outil, c'est la meilleure expérience possible, il n'y a vraiment pas mieux. Même si vous êtes un peu intimidés, n'oubliez pas qu'au pire, si ça vous soule, vous pouvez toujours installer autre chose.