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Publié le 14/11/2023

Dernière modification le 14/11/2023

Les tambours de guerre

La musique n'a de valeur artistique qu'à travers le mouvement dans lequel elle s'inscrit, littéralement et métaphoriquement, l'énergie qu'elle génère et le lien qu'elle crée entre les vivants.

J’adore la musique. Je trouve que c’est une forme d’art un peu à part, unique. Que c’est vraiment quelque chose de spécial. J’ai pas souvenir d’avoir déjà été particulièrement touché par une image seule, alors que le son, c’est comme un caillou qui ricoche sur la mare de mon esprit. Ça me fait voir le monde autrement.

La musique, c’est un peu difficile à cerner. C’est à la fois une discipline artistique, mais extrêmement codifiée, presque scientifique. C’est quelque chose de banal, qui fait partie du quotidien, mais en même temps, il y a une part de spirituel dans la façon que ça d’altérer notre expérience du monde.

Ceci dit, je crois que la seule manière de réellement comprendre ce que c’est, c’est encore de parler du son. C’est facile d’oublier que le son est un phénomène physique, un truc solide qu’on peut toucher, ce qui est d’ailleurs la fonction de nos tympans. Le son, c’est une onde qui circule à travers la matière. C’est une expression du mouvement.

Aujourd’hui, quand on pense à la musique, on pense à un objet. Un fichier mp3, un CD, un vinyl. Mais pendant les dizaines de millénaires qui ont précédé l’invention de l’enregistrement, la musique, c’était une activité. On ne pouvait qu’expérimenter la musique, collectivement ou avec soi-même.

À l’image du son lui-même, la musique a toujours été une façon d’exprimer le mouvement. Le mouvement physique, pour rythmer la marche ou la danse, mais aussi le mouvement métaphorique, celui de la vie ou du divin, lors de processions rituelles ou de fêtes. C’est un mouvement intérieur, mystique, qu’on a libéré, auquel on a donné un corps pour qu’il développe sa propre autonomie.

Comme une sorte de Dieu, ce mouvement devenu conscient gagne en puissance au fur et à mesure qu’il est honoré par ses serviteurs. En retour, il leur donne de la force, leur présente sa vérité. Il n’y a pas d’exemple plus clair pour expliquer ce qu’est la musique que celui des tambours de guerre.

D’Afrique de l’Ouest jusqu’en Inde, les combattants ont très tôt compris l’intérêt de la musique au service de la guerre. Les tambours donnent du corps à un mouvement - celui des soldats vers le combat. Il fixe la cadence et bat au rythme de la bataille. Il inspire le courage chez les siens et la terreur chez ses ennemis. C’est un témoignage de l’importance concrète de l’esthétique.

Mais si vous trouvez cet exemple trop glauque, on peut aussi parler des rave party. Ces grands moments d’extases s’articulants autour d’un sound system, qui tiennent pas mal du rituel de communion, dans la façon dont les gens se fondent dans le collectif, s’abandonnent à la musique, pour mieux se connecter aux autres et avec la Terre.

Sans rien vous apprendre, l’enregistrement a été pour la musique une révolution. Si la musique est un moment vécu, alors la musique enregistrée dont on va parler maintenant, la musique en tant qu’objet, ne peut être considéré autrement que comme un souvenir de ce moment.

Exactement comme une photo de vacances qu’on regarde dans l’espoir de retrouver un fragment de ce qu’on a ressenti ce jour-là, on écoute une musique dans une tentative de capter une trace du mouvement dont l’enregistrement est le témoignage pour continuer à le faire vivre à travers nous.

Mais comme tout mouvement est éphémère et s’inscrit dans une époque, la plupart du temps, on ne fait que danser sur le cadavre froid et maintes fois piétiné du moment de réalité que ça a pu être, en compagnie des spectres du passé, pour le plus grand bonheur des marchands de l’industrie de la nostalgie.

La musique n’a de valeur artistique qu’à travers le mouvement dans lequel elle s’inscrit, littéralement et métaphoriquement, l’énergie qu’elle génère et le lien qu’elle crée entre les vivants. C’est pour ça qu’il faut pratiquer la musique avec ses amis, se rendre aux concerts, danser avec les gens.

Il n’y a pas de mal à s’ambiancer tout seul dans sa chambre sur de la vieille musique. Mais j’ai l’impression que trop souvent, on a tendance à vivre à travers le passé, comme une personne qui passerait ses journées à ressasser ses souvenirs plutôt qu’à aller en créer de nouveaux. Je pense qu’il faut toujours avoir en tête la fonction première de la musique, celle d’incarner le mouvement, celle d’être le corps du moment vécu.


HARDCORE HARDCORE HARDCORE TO THE MEGA


L’Algorave se constitue de “sons entièrement ou principalement caractérisés par l’émission d’une succession de conditionnels répétitifs”. De nos jours, la quasi-totalité de la musique électronique est réalisée à l’aide de logiciels, mais avec des barrières artificielles entre les personnes qui créent les algorithmes des logiciels et celles qui font la musique. L’utilisation de systèmes conçus pour la création de musique et de visuels algorithmiques, tels que IXI Lang, puredata, Max/MSP, SuperCollider, Extempore, Fluxus, TidalCycles, Gibber, Sonic Pi, FoxDot et Cyril (ndt: le texte est un peu vieux, certains de ces outils ne sont plus utilisés aujourd’hui, j’ai mis en avant ceux qui ont une communauté active et que j’ai utilisé personellement) permet de briser ces barrières et aux musiciens de composer et travailler en direct avec leur musique sous forme d’algorithmes. Cela a des bons et des mauvais côtés, mais une approche différente conduit à des résultats intéressants.

L’idée n’est pas nouvelle, mais les Algoraves se concentrent sur des humains qui font de la musique et dansent dessus. Les musiciens d’Algorave ne prétendent pas que leur logiciel est créatif, ils assument la responsabilité de la musique qu’ils font, en la façonnant par tous les moyens dont ils disposent. Plus important encore, l’accent n’est pas mis sur ce que fait le musicien, mais sur la musique et les gens qui dansent dessus. Les Algoraves reprennent les sons étranges des raves du passé et introduisent des rythmes et des pulsations futuristes fabriqués grâce à d’étranges processus assistés par des algorithmes. C’est aux gens sympathiques sur la piste de danse d’aider les musiciens à donner du sens à tout cela et faire le vrai travail créatif pour faire de tout ça une fête qui déchire.

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